mardi 21 juin 2016

Pourquoi aucun ministre n'a assisté aux obsèques de Charles Gonard ?

 La mémoire de la Résistance n'est plus un enjeu politique. Elle fédère. Les présidents de la République, depuis bien longtemps, exaltent l'engagement des jeunes hommes et des jeunes femmes qui ont su lutter au péril de leur vie, à partir de 1940 contre l'occupation nazie. Tous le répètent dans leur discours, tous n'ont eu de cesse de donner rendez-vous aux Français lors de journées destinées à célébrer les "héros": journée de la déportation (dernier dimanche d'avril), victoire sur l'Allemagne nazi (8 mai), appel du général de Gaulle (18 juin), fête nationale (14 juillet), hommage aux victimes des persécutions racistes et antisémites de l'Etat français (Vichy- 16 juillet), armistice de la Première Guerre mondiale... Une promotion spéciale de la Légion d'honneur a également été attribuée en 2015 à des combattants de la Seconde Guerre mondiale... Les marques d'estime et de respect sont nombreuses. Et les références à ce passé permanentes. Alors, pourquoi le gouvernement n'était-il pas représenté, aujourd'hui aux Invalides, aux obsèques d'un Compagnon de la Libération ? Compagnons qui sont l'image juste de cette Résistance extérieure et intérieure.

Photo : HW
En 1943, à 22 ans, le jeune Gonard, alias Morlot, monte des groupes francs dans la région de Marseille (R2). Ses hommes et lui détruisent des lignes à haute tension dans les Hautes et les Basses-Alpes, coupent des voies dans le Vaucluse, sabotent des locomotives à Avignon, exécutent des traîtres, attaquent la Gestapo de Gap... En février 44, Charles Gonard est envoyé à Paris pour former d'autres groupes francs, ceux des Forces françaises de l'intérieur (FFI). On lui demande de neutraliser (formule qui n'était pas utilisée alors), Joseph Darnand, secrétaire d'Etat au maintien de l'ordre et chef de la Milice. Charles Gonard raconte : "Nous voulions jeter des grenades sur lui mais des scrupules m'ont retenu. Je n'ai pas voulu faire un carnage".
Ensuite, Morlot dirige la destruction du fichier du Service du travail obligatoire à Versailles, attaque à la grenade le repaire de gestapistes français à Pigalle, et dirige l'évasion de l'un des chefs de la Résistance, Jean-Pierre Lévy (Franc-Tireur). Le troisième jour de l'insurrection parisienne, il sera blessé. Mais avant cela, le 28 juin 1944, un commando investit rue de Solférino, le secrétariat d'Etat à l'information et à la propagande où dort Philippe Henriot, venu de Vichy (voir post du 13 juin ). "Pour" rappelera cet après-midi le chancelier de l'Ordre de la Libération, Fred Moore, "éliminer Henriot". La mort de cet ultra de la collaboration, orateur de talent qui via ses éditoriaux de Radio-Paris était une efficace voix de Vichy, constitua un coup très dur porté aux irréductibles collaborateurs. Certains membres du commando furent arrêtés et fusillés. Charles Gonard réussit à éviter l'arrestation. Mais l'homme qui tua Philippe Henriot ne fut pas un héros pour tout le monde. Il vivait avec cet épisode. Difficilement. Compagnon de la Libération du 17 novembre 1945, il est mort à l'âge de 95 ans.
Les gouvernants qui sont habituellement dans la réaction et la surréaction semblent, cette fois-ci, avoir oublié cet homme qui entre 22 et 24 ans se battit pour la France. Ils ne furent pas si nombreux. Vingt fois, celui-ci aurait pu y laisser sa peau. Oui, l'un des deux derniers Compagnons issus de la Résistance intérieure, méritait un autre adieu officiel !