jeudi 28 août 2014

Platon et les amiraux de Vichy

Ils furent nombreux ces amiraux à suivre, en 1940, Vichy et la "révolution nationale". Par conviction, obéissance ou, avanceront-ils souvent, après Mers-el-Kébir (1).  Ainsi, François Darlan. Chef d'état-major de la marine (2),  il deviendra en juillet 1940 secrétaire d'Etat puis ministre de la marine du premier gouvernement de l'Etat français puis, à partir de février 1941, chef de ce gouvernement jusqu'en avril 1942. Gabriel Auphan sera également ministre de la marine, d'avril à novembre 1942. Lui succèdera jusqu'en mars 1943, Charles Abrial. Autre amiral à accéder à de hautes fonctions politiques, Jean-Pierre Esteva, résident général en Tunisie qui mettra, lors du débarquement allié en Afrique du Nord en novembre 1942, plusieurs bases françaises au service des Allemands ainsi que du carburant. Deux autres amiraux serviront également longtemps le maréchal Pétain : Georges Robert, gouverneur général des Antilles (et Guyane) jusqu'au 14 juillet 1943 et Jean Decoux, gouverneur général de l'Indochine (1940-45). Tous eurent à répondre de leur engagement à la libération, mis à part l'amiral Darlan, assassiné à Alger le 24 décembre 1942. Charles Platon, autre amiral engagé dans les méandres politiques de Vichy, fut exécuté par la résistance quelques mois plus tard.

Crédit : ecole.nav.traditions
Fin  mai 1940, cet officier qui a commandé un sous-marin lors de la Grande guerre participe à l'organisation du sauvetage des 338 000 soldats britanniques et français, piégés dans dans la poche de Dunkerque. Ceux-ci pourront embarquer pour l'Angleterre (opération Dynamo). Ralliant ensuite Vichy, il est très tôt nommé secrétaire d'Etat aux colonies (septembre 40). Fonction qu'il occupera jusqu'en 1943. Evincé du pouvoir, il sera rapidement placé en résidence surveillé par Pierre Laval (chef du gouvernement, ministre des affaires étrangères, de l'intérieur, de l'information) qui l'accuse de comploter contre lui. Le 10 juillet 1944, Platon est à Vichy afin de remettre au maréchal Pétain une déclaration signée d'ultras de la collaboration : Déat, Brinon, Doriot... qui demandent un engagement plus fort aux côtés de l'Allemagne. Onze jours plus tard, de retour dans sa maison girondine située à proximité de la Dordogne, il est enlevé par un commando FTP (Francs-Tireurs et Partisans). Jugé le 24 juillet par une cour martiale composé de résistants, il est condamné à mort. Le 28 août, il est face au peloton d'exécution qu'il a demandé à commander. Il dit alors (3) : "Avant de mourir, je tiens à proclamer que j'ai toujours aimé mon pays, que j'ai toujours cru le servir jusqu'au sacrifice suprême. En joue ! Feu !"


(1) Attaque par la flotte britannique, le 3 juillet 1940, d'une escadre française mouillant dans le port de Mers-el-Kébir (golfe d'Oran, Algérie). 1297 marins français furent tués.
(2) Depuis 1937. En juin1939, F. Darlan devient "amiral de la flotte" puis le 26 août "commandant en chef des forces maritimes françaises".
(3) Recueilli par Dominique Richard, journaliste à Sud-Ouest auprès d'un membre du commando FTP.

mardi 26 août 2014

Jean-Yves le Drian reconduit à la Défense

Demain, Jean-Yves le Drian pourra, à l'issue du conseil des ministres du gouvernement Valls II, être auditionné sur la situation en Irak par les commissions de la défense et des affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat. Cette reconduction n'est une surprise pour personne. Un départ n'était concevable que si l'intéressé l'avait expressément demandé.
Dans la construction de ce nouveau cabinet, il est clair que l'hôtel de Brienne aurait suscité des convoitises s'il avait été disponible. Le chef de file des radicaux de gauche (PRG), Jean-Michel Baylet s'y serait volontiers rendu, confirment plusieurs sources. 
Membre de la commission de la défense de l'Assemblée, le co-président du groupe écologiste François de Rugy, était cité parmi les possibles entrants. Si quelques discussions individuelles ont bien eu lieu, elles n'ont pas abouti. Certes parce que le parti vert y était opposé, parce que surtout précise un proche du député de Loire Atlantique, "c'est sans doute du côté de François Hollande qu'il faut chercher le problème. Indécision et incapacité d'essayer de se donner les moyens de réussir ."

dimanche 24 août 2014

Les communes Compagnon de la Libération

Demain, le président de la République se rendra à l’île de Sein, au large de la Bretagne, puis en fin de journée à la préfecture de police et à l’hôtel de ville de Paris dans le cadre du 70ème anniversaire de la Libération. Ces deux communes sont les seules à avoir reçu avec Nantes, Grenoble et Vassieux-en-Vercors la croix de la Libération et sont donc « Compagnon de la Libération ».


Le 16 novembre 1940, le général de Gaulle créait l’Ordre de la Libération. L’ordonnance n°7 en précisait les modalités. « Celui-ci est destiné à récompenser les personnes ou les collectivités militaires ou civiles qui se seront signalées dans l’œuvre de libération de la France et de son Empire ». 1038 hommes et femmes (6) se verront attribuer la croix de la Libération. 19 sont encore en vie. 17 unités militaires sont également titulaires de la croix verte et noire. Le noir pour marquer le deuil de la France, le vert exprimant l’espoir.

21 juillet 1944, un résistant pendu à Vassieux-en-Vercors
Crédit : P. Chazot, collection Vincent-Beaume
La première ville à avoir reçu la croix de la Libération est Nantes le 11 novembre 1941. Ce furent ensuite Grenoble en mai 1944, Paris en mars 1945, le village de Vassieux-en-Vercors (Drôme) en août 1945 dont 72 de ses habitants furent massacrés et la totalité de ses maisons brûlées. Et enfin, l'Ile de Sein (Finistère) dont, en juin 1940, la quasi-totalité des hommes en âge de combattre (133) choisit de partir rejoindre les Forces françaises libres en Angleterre. Ce sont ces cinq communes qui aujourd'hui assurent le pérennité de l'ordre de la Libération.

vendredi 22 août 2014

La conscience du soldat Stahlschmidt

Gouverneur militaire du "Grand Paris" depuis le 7 août 1944, le général von Choltitz ne fit pas brûler la capitale, comme il en avait reçu l'ordre le 23 (août). Il ménagea ainsi son avenir.
Heinz Stahlschmidt est d'un rang beaucoup plus modeste. Sous-officier de la Kriegsmarine, il est affecté depuis 1941 à Bordeaux. Il y a 70  ans ses supérieurs ont prévu, avant leur départ, de faire sauter le port. L'artificier-démineur Stahlschmidt est chargé de stocker les explosifs qui doivent être utilisés. L'opération qui prévoyait d'installer une charge explosive tous les 50 m sur 10 km de quais aurait pu causer la mort de 2 à 3000 personnes, estime le quotidien Sud-Ouest (1) qui a révélé l'histoire en 1993. Le jeune homme -il a 25 ans- s'oppose aux ordres. "Par conscience chrétienne, par affection pour la France et les Français" expliquera-t-il plus tard. Dont certains seraient proches de la Résistance. Peut être également parce qu'il a rencontré sa future femme à Bordeaux... Alors Heinz Stahlschimdt prévient la Résistance pour qu'un commando vienne détruire le dépôt. Sans succès. Le 22 août 1944, c'est lui qui appuie sur le détonateur. Quinze soldats allemands, en majorité des sentinelles, périssent. Six jours plus tard, la capitale de l'Aquitaine est libérée. 
En 1947, Heinz Stahlschmidt le déserteur devient Henri Salmide, de nationalité française. Et vit dans l'oubli jusqu'en 1993 et la médiatisation de son refus de faire sauter le port de la Lune. Décédé en 2010, il repose au cimetière protestant de Bordeaux. En 2000, Henri Salmide avait été fait chevalier de la Légion d'honneur.

(1) Dans son édition de ce jour.