mardi 3 septembre 2013

Un regard libanais sur une éventuelle intervention occidentale en Syrie

Malgré les déclarations musclées, mènera-t-on une action militaire en Syrie ? Les certitudes de la semaine dernière se transforment, au fil des heures, en hypothèses. Si bien que le doute s’est installé.
Depuis des mois le débat tournait autour d’une question simple : que faire ? Avec qui ?  Les Occidentaux dont les positions ont varié, ont appliqué une sorte de service minimum. Aujourd’hui, il s’agit de ne pas perdre la face. Voici comment cette situation est perçue au Liban par les francophones du quotidien L’Orient le Jour. Je vous livre quelques réflexions de l’éditorialiste Nagib Aoun, publiées hier. Réflexions désabusées sur un débat universel, l’ingérence à géométrie variable des grandes puissances.


Entre valses-hésitations et discours guerriers, propos lénifiants et menaces réitérées, une certitude émerge du brouillamini : le peuple syrien va continuer de souffrir, de payer de sa vie la frilosité des démocraties occidentales, la peur des puissances dites libres d’aller jusqu’au bout de leurs convictions  (…) Dès le départ, ne l’oublions pas, les nations européennes se sont inscrites aux abonnés absents, seules la France et la Grande-Bretagne montant au créneau avant que les « impératifs de la démocratie » ne les rappellent à l’ordre, Barack Obama jouant à cet égard le rôle de maître de cérémonie, un jour matamore, l’autre respectueux des opinions adverses.
Dès le départ, ne l’oublions pas aussi, pathétiques ont été les explications et justifications avancées par les va-t-en guerre d’occasion : on veut bien y aller, donner une leçon à Bachar el-Assad à cause de son recours aux armes chimiques mais attention : il n’est pas question de le renverser (...).
Message bien reçu : les unités de l’armée syrienne se sont rapidement repositionnées et ont enfoui sous terre les arsenaux de destruction massive... Ceux-là mêmes qui seront réutilisés contre la population maintenant que le président Obama a mis l’option militaire entre parenthèses et sa crédibilité dans la balance.
Que les Syriens se débrouillent donc tout seuls pour se débarrasser du tyran, dussent-ils le faire sous les obus du régime, sous les raids de son aviation, sous une pluie de missiles dévastateurs... Mourir à cause des armes chimiques est « inacceptable et intolérable », mais « crever comme des chiens » sous les coups d’une armée barbare, génocidaire, fait partie de la « règle du jeu », comme semblent l’insinuer les nouveaux redresseurs de torts !
Des semaines, donc, de tergiversations, d’hésitations, de coups de semonce suivis de messages rassurants envoyés tous azimuts : comment s’étonner, dès lors, que les opinions publiques puissent se révolter, se poser des questions légitimes, s’interroger sur les conséquences d’une opération aux buts hypothétiques. Un projet d’intervention dont le Premier ministre britannique, David Cameron, a été la première victime face à un Parlement dubitatif. Un camouflet que les Chambres américaines pourraient également asséner à Obama... avec son plein assentiment.

Voilà où nous en sommes en ce début de semaine : une opération militaire suspendue, sinon annulée, et des menaces de Barack Obama que plus personne ne prend au sérieux. Triste spectacle d’une démocratie démonétisée, traînée dans la boue par ses nombreux adversaires, lamentable conclusion de semaines d’hésitations mises à profit par des dictatures plus déterminées que jamais (…) realpolitik et cynisme d’État peuvent difficilement se conjuguer avec assistance à peuple en danger...
Tout le problème est là : c’est pourquoi les gens en Syrie continueront à être tués, pourchassés, humiliés par les mêmes assassins et pour longtemps encore. Et les yeux se fermeront, une fois de plus, pour éviter de perturber et les consciences et l’ordre international...