mercredi 11 septembre 2013

La France peut-elle intervenir en Centrafrique ?



Au moins 60 morts dimanche et lundi dans l'ouest lors de combats opposant à Bossangoa, des forces du nouveau régime à des hommes armés qui pourraient être des partisans de l'ex-président Bozizé. Plus de 3000 personnes déplacées dans le nord où au moins 8 villages auraient été incendiés, rapporte le Haut-Commissariat pour les réfugiés de l'ONU qui cite des témoignages de pillages et de tortures. Plus de 200.000 déplacés dans le pays depuis décembre dans une RCA qui compte 4,5 millions d'habitants. Des combattants du Séléka, coalition de 5 mouvements qui a porté le 24 mars Michel Djotodia au pouvoir, qui sèment la terreur (notamment) au sein de la capitale, Bangui. Des habitants du quartier de Boeing qui pour fuir ces exactions se réfugient sur les pistes de l'aéroport de la capitale. Un chef d'état-major des armées récemment nommé, remercié. Voilà quelques instantanés de la situation, non médiatisée, qui prévaut en Centrafrique.

Les événements, Idriss Déby et la Séléka

Cette coalition compterait aujourd'hui de 15 à 20.000 membres alors qu'au printemps dernier, ils n'étaient environ que 5000... Des éléments très disparates et impopulaires. "Des mercenaires tchado-soudanais qui font la loi" pour l'évêque de Bossangoa. Pays sous influence dans lequel le voisin du nord Idriss Deby est accusé par les opposants au "régime" actuel, pêle-mêle, de faire et défaire les présidents centrafricains. "Oui, Idriss Déby est un homme d'influence en Centrafrique. C'est même le parrain régional" explique Antoine Glaser, journaliste, ancien responsable de la Lettre du continent. Si le président tchadien avait contribué à porter au pouvoir François Bozizé, le rapprochement de celui-ci avec les Sud-africains l'a vraisemblablement contrarié, comme d'autres voisins. Et peut-être ceux-ci ont-ils "levé le pied" lors de la percée du Séléka ?

Etat en déshérence

Que peut faire dans ces conditions l'ex-cadre du ministère du Plan, Michel Djotodia, président transitoire et intérimaire, isolé et entouré de chefs de guerre qui contrôlent la rue, comme  les "généraux" Arda Akoma un nordiste et Moussa, un Goula soudanais. "Oui, mais que faire ?" s'interroge un opposant qui vit à l'étranger, "dans un pays qui n'a aucune élite politique". Dans un Etat en déshérence où les forces de sécurité sont totalement désorganisées. La Mission internationale de soutien à la Centrafrique (MISCA) et ses 2000 membres ne pèse pas lourd. Les plus redoutés sont les soldats français (400) chargés de la protection de l'aéroport (détachement Boali) et si la situation l'exigeait, de l'évacuation des ressortissants étrangers. Mais ils ne se sont pas déployés dans Bangui comme naguère, " ce qui gelait les positions" commente Antoine Glaser. "Il faut y voir un choix stratégique ! ".

Agir ?

60.000 enfants risquent de mourir de malnutrition en Centrafrique. Chiffre cité par le président Hollande, il y a quelques jours à Paris, lors de la conférence des ambassadeurs. Appelant l'ONU et l'Union africaine "à se saisir de la situation" dans un pays "au bord de la somalisation". Et de conclure qu'il était "plus que temps d'agir". Mais qui pour agir dans des délais décents ? La France ? Humainement indispensable mais diplomatiquement complexe. La France n'ira pas seule. Alors ?
Beaucoup de Centrafricains ont certainement entendu cette nuit l'intervention du président Obama sur la Syrie et pointer cette déclaration qui a de quoi laisser dubitatif : "Quelqu'un doit faire quelque chose !". Eux aussi doivent penser la même chose...et attendre. 
 

En RCA, à l'insupportable s'ajoute aussi le pathétique. Les décorations portées par le nouveau chef de l'Etat lors de sa prestation de serment, a-t-on appris hier, étaient du toc. Le directeur général du Trésor ayant commandé des contrefaçons et détourné les crédits alloués...