dimanche 24 mars 2013

TRACFIN

Jean-Baptiste Carpentier, directeur de TRACFIN (traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins) a été auditionné, le 13 mars dernier par la Commission de la défense et des forces armées de l’Assemblée nationale. Son service est certainement le moins connu de la communauté du renseignement. Placé sous l’autorité du ministre de l’économie, il emploie actuellement environ 90 personnes. Voici donc une présentation de celui-ci, au travers d'extraits de l'audition de son responsable.


 « Nous ne sommes pas un service généraliste : nous sommes chargés de surveiller les flux financiers clandestins en vu de lutter contre le blanchiment et le financement du terrorisme et notre mission est précisément définie par la loi. Le code monétaire et financier fixe nos moyens et nos buts. Les autres services de la communauté du renseignement recherchent, analysent et exploitent le renseignement. Pour notre part, nous nous centrons quasi-exclusivement sur l’analyse d’informations ».
« (…) Dès que nous avons une présomption suffisante et raisonnable, nous transmettons les informations en notre possession au procureur de la République. (…) Nous recevons entre 100 et 150 informations par jour et nous efforçons de les analyser afin de repérer, en procédant à des recoupements et des rapprochements, les opérations de blanchiment ou de financement du terrorisme, pour in fine caractériser le soupçon. (…) Nous transmettons les informations en notre possession au procureur de la République, ce qui a représenté l’année dernière un peu plus de 500 dossiers. Contacts au sein de la communauté du renseignement avec DGSE, DCRI et DNRED (…) Quitte à vous inquiéter, j’admets (…) avoir accès sans restriction, dans le cadre de nos investigations et de notre mission, à l’intégralité des comptes bancaires de toutes les personnes physiques et morales sur le territoire national ».
« …Le terrorisme islamiste entretient des liens de plus en plus étroits avec la délinquance de droit commun. Ainsi, le travail au noir peut être organisé par des réseaux extrêmement structurés occupant des milliers de personnes et brassant des millions d’euros. Des sociétés éphémères s’organisent en réseau et fonctionnent quelques mois, en franchise fiscale et sociale. Elles recrutent sur les parkings de certains supermarchés des centaines d’esclaves – il faut appeler les choses par leur nom – qui sont payés avec de l’argent liquide provenant parfois du trafic de drogue. Nous identifions des filières communautaires montées par des ressortissants de pays sensibles, je pense aux Pakistanais particulièrement bien organisés, et nous décelons des circuits de dérivation qui aboutissent à des associations fondamentalistes. Ce cas de figure est de plus en plus fréquent... ».
«...Certaines naïvetés me laissent pantois, y compris en France. Rappelez-vous l’expérience cuisante pour les finances publiques de la TVA carbone instaurée pour des motifs environnementaux. Pendant que le dispositif se négociait à Bruxelles, la criminalité organisée réfléchissait déjà au moyen d’en profiter. Six mois après, plus d’un milliard d’euros échappaient au fisc en quelques jours. Mettre en place une TVA carbone sans se poser la moindre question sur les risques revenait à laisser une Ferrari au pied d’une tour d’Aubervilliers avec les clefs dessus… Mais l’accès au marché devait à tout prix être libre, à tel point qu’au Danemark il suffisait, pour faire du commerce de carbone, d’avoir une adresse électronique valide. Dans ces conditions, frauder était à la portée d’un enfant de dix ans : il suffisait de vendre TTC et d’acheter hors taxe, puis de disparaître sans reverser la TVA. Si l’on veut privilégier la liberté de circulation des capitaux, il faut parer en même temps aux risques de détournement ».